Ce que je vois, ce que je ne vois pas

par Laetitia GETTLIFFE, CEO & Fondatrice de Skill Connection

Je sais compter mes outils. Pour gérer la formation, j’en utilise six — parfois plus si j’ajoute les “petits” auxiliaires qui se glissent entre deux tâches. Je sais aussi que j’imprime encore, que j’envoie des mails (beaucoup), que je duplique parfois un document “pour me rassurer”. Tout cela, je le vois : c’est concret, c’est mon quotidien de petite structure où le temps est compté et où chaque outil a été adopté pour une bonne raison à un moment donné.

Ce que je ne vois pas clairement, c’est le poids réel de ce fonctionnement. Combien pèse une année de “pièces jointes” envoyées en copie ? Combien de gigas occupent ces versions “final_v3_def” que je garde “au cas où” ? Quelle est l’empreinte de mes six outils mis bout à bout, entre stockage, synchronisations en arrière-plan et sauvegardes automatiques ? Je n’ai pas la réponse. Et je n’ai pas envie de faire semblant de l’avoir.

Être une “toute petite structure” change la conversation. Je n’ai pas une équipe dédiée pour mesurer, auditer, optimiser. J’ai des clients, des formations à livrer, une gestion à tenir… et, entre deux dossiers, le souhait sincère de faire biensans me raconter d’histoires. J’avance avec cette honnêteté-là : il y a ce que je maîtrise (mes usages, mes réflexes, mon besoin de “voir”) et il y a ce que je ne maîtrise pas encore (les chiffres précis, l’addition carbone de tout ce bazar numérique).

Longtemps, mon imprimante m’a servi de repère. Imprimer, annoter, surligner : je voyais l’avancement. Mon alternante, elle, n’a pas d’imprimante. Elle voit autrement : des vues simples, un tableau vivant, des filtres qui donnent la photographie du travail en cours. Deux générations, deux manières de chercher la même chose : de la visibilité, du sens, de la sérénité. Cette cohabitation m’a mise face à une question plus honnête que “papier vs numérique” : de quoi ai-je besoin pour me sentir en maîtrise — et comment l’obtenir sans empiler des traces partout ?

Alors, so what ? À partir de ce constat (ce que je vois, ce que je ne vois pas), que faire quand on est petit, pressé, mais conscient ? Je ne vais pas vous dérouler une liste de solutions parfaites. Je choisis autre chose : une attitude. Pendant un mois, je vais regarder mon travail au plus près, sans culpabilité, avec l’idée simple de rendre visible l’invisible. Non pas pour “faire le bilan carbone de ma vie”, mais pour comprendre mon propre système.

Concrètement, cela veut dire trois gestes de conscience, pas plus :

  • Nommer ce qui me rassure (imprimer, dupliquer, envoyer en PJ) et pourquoi ça me rassure.
  • Repérer où la “vérité” de l’information habite (la source unique, pas ses copies).
  • Choisir une manière de voir sans multiplier (une vue, un repère, un rituel court).

Est-ce que cela suffit pour être “RSE” ? Je ne crois pas que la responsabilité se décrète à coup de labels ou de grandes résolutions. Pour moi, ici et maintenant, elle commence par refuser l’aveuglement : accepter qu’il y a un coût (écologique, organisationnel, mental) à faire tourner six outils + une imprimante + des mails, et oser chercher la forme de visibilité qui m’évite de tout dupliquer. C’est peu spectaculaire. C’est à ma portée.

Peut-être que, dans un mois, j’aurai des chiffres simples à partager : moins de pièces jointes, moins de versions, une meilleure “vue” du travail en cours. Peut-être que j’aurai surtout des mots plus justes pour décrire ce que je fais et pourquoi je le fais ainsi. Dans les deux cas, ce sera un progrès : voir mieux pour agir mieux, à mon échelle.

Si vous vous reconnaissez, je vous propose cette question — une seule : de quoi avez-vous besoin pour “voir” sans tout garder ? La réponse n’a pas à être parfaite. Elle a juste à être vraie, là où vous en êtes. Le reste viendra — un pas après l’autre, avec responsabilité et conscience.

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